Ses pensées distraites s’atardaient sur le col de sa chemise dépassant d’un large pull.
Elle le voyait sur la plage en hiver, démêler un cerf-volant.
Aucune des sages paroles prononcées ne parvenaient à capter son attention, tant sa voix et sa gestuelle répendaient son ora à l’ensemble de la salle.
Il était si vivant, et pourtant si serein, ne semblant plus traversé par aucun démon de l’existence.
Sa seule présence l’imbibait de joie, sa chaleur ruisselait dans tout son être. Si bien qu’elle en eût oublié de définir ces sentiments.
Elle qui aimait tant les mots. Elle pour qui leur maniement était une seconde nature.
Les avait-elle au moins remarqués, face à une telle évidence, dans la simplicité de ces moments ?
L’approcher et le voir suffisait à combler le vide abyssal en elle.
L’écouter parler, c’était comme retenir un rêve avant qu’il ne s’échappe.
Fuir les adieux, taire en elle-même ce fleuve ardant. Imprégner sa mémoire du grain de sa peau, ignorer l’imminence de son départ.
Comme si c’était impossible. Comme si elle fesait exception, ayant tant partagé avec lui.
Elle sentait faire l’objet d’une attention singulière.
De telles fatalités ne sont entendables à une jeune femme qui aime.
D’ailleurs, l’aimait-elle ? …
Certaines rencontres vont au-delà d’un pannel étriqué de vocabulaire, sensé contenir toute la complexité des relations humaines.
Avec lui elle vivrait quelque chose de si grand…
Il fut son cadeau, placé sur sa route au moment opportun, et son sillage elle suivrait longtemps en ces lieux.
A son contact, elle perçait un peu le secret de la vie. Il représentait un début de réponse aux questions qui la taraudaient.
Pourquoi lutter pour des combats perdus, comment trouver la joie sur un champ miné…Comment faire du mieux avec du rien.
Elle se serait jetée à corps perdu dans ce voyage, occupant n’importe quelle place, oubliant un orgeuil devenu inutile auprès de lui.
Désormais elle ne craindrait plus les tracas ni les épreuves de la vie pourvu qu’il la retrouve certains soirs et que les mains d’un tel homme se posent sur ses épaules.
Mais ce jour arriverait.
Elle ne pourrait que s’enfuir et regarder loin devant.
Ignorer un temps ce manque.
Être finalement rattrapée par les aveux du vide laissé.
Accueillir par la tristesse un dernier cadeau.
Tel un murmure à son oreille, un reste de sa chaleur la traversant, une douce question : N’était-ce pas cela, aimer ?
À sa colère un marteau de tribunal : elle ne pouvait que l’en estimer d’avantage.
Une étroite bande au collier dépassant de son pull, il avait choisi quelque chose de plus grand.