Le bruit venant de la côte S’estompe sous la houle qui m’a prise Fuyons la rive, la marée haute Quand elle descendra par surprise Abandonnera les êtres humains
Et moi, venue de la côte Je serais ta Vénus endormie Des grands mystères, à qui la faute Cherchons une escale, un abri Où retrouver des êtres humains
Tu dis que la mer est une femme Où les bateaux font naufrage Pourtant l’écume, les vagues Vont et viennent sur le sable
J’ai su garder, tu vois, du fracas de l’enfance D’un sous-bois, une clairière, un souvenir d’innocence Un endroit où ma mère m’emmenait me ressourcer Où, grâce à des repères, je savais retracer La piste de mon chêne, choisit un beau dimanche
Après bien des tempêtes, il était toujours là Il avait vu passer tant de gens avant moi Songeant à ses racines étendues sous le sol Longuement je l’enlaçais avant ma semaine d’école Absorbant l’énergie, naïve parabole
Depuis ce temps, une myriade De saisons, arbre délaissé En esprit des bois, en dryade Cette sensation j’ai retrouvée
Refrain : Pierre ?… Feuille, ciseaux ! De fugues en détours à la chênaie d’hier Mon destin se défile au bout de ton fuseau Me voici de retour, des années en arrière Tes paroles me recouvrent d’un chaud et long tricot
Un même foulard qu’on a porté Des soirs de mission accomplie L’eau sacrée sur nos fronts versée Avant la veillée, à complies Nos mains, en prières assemblées
Fissurant la roche, d’un sourire Quand ses lignes, au vent, s’assouplissent Il est de ces hommes qu’on admire De ceux dont l’on voudrait un fils
Pierre ?… Feuille, ciseaux ! Des racines et des liens, sous le chêne se tissent Je suis l’as Des propos sibyllins, le sort s’accomplisse Je suis lasse Mais sa voix me retient au bord d’un précipice
J’aimerais tant être sa dryade Mais il est d’une forêt lointaine Où d’autres nymphes, une pléiade Dansent en ronde autour du chêne
Sans me jeter la première, Pierre Les jolis mots se font attendre Les jours me recouvrent de lierre Et je rêve tellement d’étendre Un tapis volant dans les airs
Pierre ?… Feuille, ciseaux ! La chaîne à ton poignet retient La première pierre d’un édifice Mais du feu sous le chêne brûle jusqu’à la cime Toutes les branches de craintes, mes flammes en haut déciment A la chaîne tes peurs d’hier
Mais lâche est souvent la chaîne Qui en reliant nos deux êtres Risquerait d’empêcher mon ent De danser quand l’air se déchaîne
Alors je veillerais, lointaine Hamadryade en lisière Te verrais planter, mon cher Une futaie dont tu seras fier