Sélène et Zéphyr

Libre, fier et puissant comme le vent d’ouest
Doux comme le zéphyr
Son regard jette une supplique à l’est
Le soleil la fera fuir

Sélène est née de lune
Ses cheveux aux reflets cendrés
Prolongent ses rayons nocturnes

Zéphyr, des Dieux, s’est libéré
Mais c’est un être diurne
Ses longs cheveux tracent un sillage
Dans le vent, sur son passage

Sélène, aînée de lune
A coupé ses cheveux de cendres
Et de l’Olympe aimerait descendre

Quand Sélène est bien solennelle
Zéphyr, un brin transi
Mais Sélène garde sous son aile
Un long manteau de nuit

Parenthèse



Paradoxes, extase, emphase
De sommeil paradoxal
L’équinoxe vient, la phase
De nos vies dans un bocal

Des voiles sur les voix cristallines
Les estampes délavées
Passé, l’encre de Chine
Délicieusement suranné

La mer avance et on dérive
Dans l’atmosphère bleutée
Un nouveau parfum de lessive
Ma rétine a photographié

A la fenêtre, un gramophone
Sous des lumières tamisées
Quand vient le soir, un type divague
S’étourdit sur un saxophone

Avant la nuit
La rumeur du folklore local
Dehors, on suit
L’écho du folklore ancestral

Et de l’hiver qui se termine
Et de l’ivresse qui nous anime
Suivons l’entrain

D’ombres légères à l’aquarelle
En instants de verre murano
Dans un objet ascensionnel
Formant notre vaisseau
De verre à la Jules Vernes
Suspension aérienne

L’image insolite
A la rubrique surface
A la page interdite
Nous devant la glace
Reflet psychédélique
Nos corps forment un triptyque

Quitter le sol
Tutoyer ses idoles
Tu préfères un joli mensonge
A ce glas dans tes songes

Dans ces ambiances aquatiques
Juste un rêve en sépia
Lueurs mystiques
Sous un hall d’opéra

Ton allumeur de réverbères
Dans son manteau d’apparat
T’allume des bougies parfumées
Et rejoint ses appartements

Tu vis en externat
Ici mais pas là

Le cuivre qui raisonne
Dehors, ce type est toujours là
Ses traits d’esprit trop vague
S’essoufflent dans un saxophone

La nuit quand tous les chats sont gris
Nos pensées en hibernation

A l’aube d’une nouvelle aire
Une triade en cortège
Brume, zéphyr et frimas
Dernier tour de manège
Écran de cinéma

Allure gracile de l’arbre nu
Qu’on admire, qu’on délaisse
Ton œil de synesthète
Affine ainsi l’esthète
Que tu refreine, hélas…

…Le jour se lève encore, sans toi
A la vitre des trains
Aux banquettes semblables
Aux différents arrêts
Au cours d’une période ferroviaire
Tu te souviens…

Entre les murs en pierres d’une salle de bains
Toi, tu priais dans l’eau
Et la lumière du soir
Sur tes cheveux tombait
D’un vitrail art nouveau

Toi, sa danseuse de cabaret
De tango, de flamenco
Dans la pénombre, il admirait
Ta beauté sombre au teint ambré

Depuis, ses propos mal heureux
Ton air hautain, sa peau marbrée
Si d’autres semblent s’y prendre mieux
Malheur à eux

Entre deux présidentielles
S’est assombrit ton ciel
Entre deux mandats
Repartir en campagne

Entre deux wagons, tu compares
A la ligne de ta guitare
Les formes d’une femme

Partons ensemble en flammes
Respirer l’odeur des guitares
Être en colère ne sert à rien
Chacun croit faire ce qui est bien

On vit nos vies par épisodes
Refusant de voir plus loin
Sans savoir où mènera l’éxode
Que nous réserve le prochain

Épisode, accorde-moi
Un ailleurs où pleurer nos joies
Épisode, fais de moi
Ce que je suis déjà là-bas

Sous les spots de lumière blafarde
Au petit jour, éteindre nos corps
Sous les lumières criardes
Un mauvais jour s’annonce encore
Pour ta guitare et toi

Mais sous les braises crépitent
Un espoir, des pépites

Vous êtes le rameau
L’espoir des naufragés
Vous les fleurs de sureau
Du printemps, les messagers

Du plomb dans l’aile

Ses heures se traînent, mais ses journées défilent.
Sans un rire, sans un cri, du plomb dans l’aile.
Plus rien ne l’entraîne, dans la fraîcheur d’avril.
Pas le temps, trop d’ennuis, si peu de sel.

Quel est donc le secret de tous ces autres
Qui saisissent le temps, suivent le fil ?
Elle voudrait s’étourdir au son des autres
Mais sa volonté ne tient qu’à un fil.

Refrain :

Alors elle reste là au lieu d’affronter les frimas.
Elle se mord les lèvres, contracte les paupières.
Elle regrette sa jeunesse dont il a sonné le glas.
Elle se cherche un rêve, dessine dans la poussière.

Il pleut des flots sur le brasier
Des espérances.
Au diable un moral d’acier
Dans ces errances.

Sans fin sombrer dans les abîmes
Des illusions perdues.
En elle deux âmes s’animent
L’une au parfum, l’autre à l’insut.

Des brumes d’un souvenir à la blancheur des draps
Elle pense aux jours meilleurs, l’élan qui reviendra.
La lune grise, les nuits d’avril, un bruit qui courre
Et sans rêves d’ailleurs, l’air du soir dans la cour.

En Belle du Seigneur elle se voit
À la folie tendre les bras
Puisque rien n’est vrai, rien n’est sûr
Au bal des êtres sans armures

Refrain.

Qu’une vague l’emporte aux confins du silence
Pour un nouveau retour au goût de jamais vu.
Qu’une brise lui rappelle que la vie est l’essence
De tout art, toute victoire, et idée d’absolu.

Alors dans les nuits noires elle puisera la source
D’autres mots, d’autres gestes, et nouvelles pensées.
Alors dans les nuits claires elle trouvera ses ressources
Et suivra tout le reste, comme des vignes enlacées.

Et enfin elle devine l’esquisse d’un nouvel été.

Avril 2022.

 Expressions françaises

qui me touchent particulièrement.

-L’énergie du désespoir.

Cette expression est évoquée dans la chanson « Le Paradis Blanc », de Michel Berger.

J’y vois une ambiguïté :

Une dernière action vaine, impulsée par la colère ou le chagrin dus au désespoir…

Et une petite fenêtre s’ouvrant sur un éventuel rebondissement, permis par cette action.

S’il reste de l’énergie, c’est qu’il y a encore de la vie. Et tant qu’il y a de la vie…il y a de l’espoir.

Je trouve assez poétique le paradoxe contenu dans cette formule.

Elle comporte un certain flou.

Difficile d’en interpréter le sens, et de définir si elle évoque l’optimisme ou renforce l’aspect tragique.

-La pudeur des sentiments.

Cette formule se retrouve dans les paroles de la chanson « Les Dessous Chics », interprétée par Jane Birkin.

Elle me touche par sa naïveté et son innocence, qui lui confèrent une certaine profondeur.

Elle suggère, avec la sagesse et la retenue des gens simples.

J’y vois une forme d’élégance.

« La pudeur des sentiments », c’est le vieux jardinier avouant à demi-mots son amour pour son fils avant de mourir.

C’est le cordonnier montrant par les actes sa fierté envers son apprenti, en lui confiant la responsabilité de l’atelier à l’heure de prendre sa retraite.

-Bête à chagrin.

Elle m’évoque un paysan triste à la mort de son vieil âne, qui se raisonne en s’efforçant d’être fataliste.

Vocabulaire

Synesthésie

Ce terme désigne un phénomène neurologique, par lequel sont associés plusieurs sens.

L’une des formes les plus répandues, la synesthésie graphèmes-couleurs, est l’attribution de couleurs à des sons, des lettres ou des chiffres.

Rimbaud avait son propre alphabet synesthésique.

Certains mots m’évoquent de beaux camaïeux de couleurs d’une syllabe à l’autre, avec des nuances très précises.

J’ai découvert la synesthésie il y a environ deux ans, lorsque je cherchais un prénom à mon second bébé. Je recherchais une harmonie avec les couleurs que j’associais au prénom de l’aîné.

Il existe nombre d’autres formes.

Certains synesthètes perçoivent le passage du temps en trois dimensions, par exemple.

Me concernant, je présente plusieurs particularités synesthésiques.

C’est un sujet passionnant, que je vous invite à approfondir.

Ce thème fut très en vogue à l’époque du romantisme, entre la fin du XIXème et le début du XXème siècle.